Réflexions Inspirantes sur l'Avenir de l'Économie Sociale et Solidaire

Le compte-rendu de la Conférence Internationale à l'OCDE


Les 20 et 21 mars 2023, la deuxième conférence de l’action mondiale s’est déroulée dans les locaux de l’OCDE à Paris sur le thème de l’avenir de l’économie sociale et solidaire. Des politiciens, leaders d’opinions, membres de l’OCDE, de la commission européenne et d’autres acteurs locaux sont venus partager leurs expériences et leurs connaissances au château de la Muette.

Wecitizens a décidé de se rendre sur place pour profiter pleinement de cet événement international. De nombreux thèmes propres au terrain de l’ESS y ont été abordés. Durant la première journée, les problématiques de la place des femmes, des ambitions, de l’avenir, des différents cadres juridiques ainsi que de l'utilisation des données de l’ESS ont été discutées. Le lendemain, c’était au tour des sujets du numérique, de la transition verte, des villes ainsi que le très important rôle de la jeunesse. Chaque conférence regroupait un panel de différents spécialistes originaires des pays membres de l’OCDE. La plupart du temps, un intervenant en ligne depuis l’autre côté du globe complétait de son expertise ce qui était dit sur place. Les différentes conférences sur l’ESS remplissaient un programme varié à l’image de ses intervenants. Parmi ceux-ci, un invité de marque tire son épingle du jeu.

L’étonnant Geoff Mulgan

Le lundi 20 mars à 14h15, juste après la pause déjeuner, l’universitaire anglais Geoff Mulgan a fait une intervention marquante. Conquérir son auditoire n’est pourtant pas gagné à cette heure de la journée et le maître de conférences le sait très bien : « I know this is the moment on a monday, when your body is telling you to have a little rest and catch up on all the sleep you missed out over the week-end » lance-il avant de commencer.  C’est avec un zeste d’humour typiquement britannique et un accent de la BBC que sir Geoff Mulgan surprend grâce à un discours aussi dynamique qu’étonnant.

 « L’économie classique telle qu’elle est aujourd’hui, est antisociale et anti-solidaire et c’est la raison de notre présence aujourd’hui », affirme-t-il pour commencer, avant de le confirmer par quelques faits. Effectivement, selon une étude du gouvernement américain réalisée durant la pandémie, les métiers considérés comme essentiels sont sous-payés, c’est-à-dire les métiers qui ont un impact social positif comme le milieu de la santé ou du transport. Les métiers jugés moins essentiels par cette étude sont extrêmement bien payés en comparaison.

Par ailleurs, l’industrie de la technologie, n’aide pas statistiquement au niveau de la solidarité dans le monde. Les analyses concernant les premières décennies d’internet démontrent que les gens peuvent moins compter sur le soutien des autres depuis l’apparition du world wide web. Aussi, l’arrivée du smartphone représente un autre exemple parlant car la santé mentale des adolescents se détériore drastiquement depuis son apparition (on compte 4 fois plus de dépression chez les 15-24 ans depuis l’invention du smartphone en France). Sans parler de l’impact négatif des technologies sur l’environnement. En spécialiste des technologies, le conférencier commence par expliquer le danger de celle-ci. Ce discours illustre un décalage apparent avec de nombreux invités de l’OCDE dont la technophilie s’explique facilement par leur profession liée directement à la Silicon Valley.

Le prochain sujet étonnant abordé est celui de l’imagination. Selon Geoff Mulgan, professeur d’intelligence collective, de politique publique et d’innovation sociale à l’université de Londres : nous avons purement et simplement un problème d’imagination. A la suite d’interviews menés sur différents activistes, politiciens et directeurs d’entreprises, une constante se dessine. Les personnes interrogées pouvaient imaginer un futur ultra-technologique ou un futur marqué par les catastrophes écologiques mais rarement, ils arrivaient à imaginer une société future plus sociale, plus solidaire et plus démocratique que l’état actuel des choses. Pour modifier la société de demain, nous avons évidemment besoin d’imagination mais nous rencontrons des difficultés à concevoir un futur plus social, plus démocratique et plus humain.

Selon le professeur, il faut changer notre mode de pensée actuel. Pour illustrer cela, il explique que selon l’économie classique, il est considéré comme efficace pour une personne fortunée d’avoir 20 maisons et de les utiliser une seule fois par an. Car l’efficacité est mesurée uniquement au niveau de la production et pas du tout au niveau de la consommation. Selon lui, tout cela risque d’être considéré comme absurde pour les générations futures et c’est là que l’économie sociale doit intervenir pour amener du bon sens à ce modèle économique.

Ensuite, le conférencier propose une analogie : au 18ème siècle, on considérait la monarchie absolue comme quelque chose d’éternel, appartenant à la nature humaine. Ce modèle était glorifié tel l’unique l’horizon mental et la démocratie était alors considérée comme une parenthèse, quelque chose qu'on a essayé et qui a échoué. En réalité, ces monarchies se sont effondrées, remplacées par nos démocraties. Selon sir Mulgan, c’est équivalent pour le capitalisme extrême du 20ème siècle. Le monde de la finance nous dit que le capitalisme est ancré dans la nature humaine, qu’il ne pourrait pas avoir autre chose et la finance est portée comme valeur centrale. Mais peut être que dans un futur proche, cette vision pourra être considérée comme dépassée et d’autres valeurs seront au centre du système.

Pour conclure, Geoff Mulgan explique que nous devons développer le futur dont nos enfants auront besoin. Et pour le faire dès maintenant, il ne faut pas seulement proposer des projets pragmatiques, mais ce futur doit être traversé par une nouvelle forme de bon sens. Ce “common sense”, proposée par le professeur est synonyme d’une nouvelle mentalité à adopter. Et cette dernière doit être encore imaginée, pour être réellement plus sociale et plus solidaire. “Change how we think, as much as what we do”,  a affirmé le professeur dans les locaux de l’OCDE. L’état actuel des choses n’est pas immuable, le changement est possible, même si certains prétendent le contraire. Mais il faut commencer par imaginer ce changement, ces projets et surtout penser autrement.

Cet article a été rédigé par Mathieu Horth, un ancien volontaire de Wecitizens


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